Il ne se passe pas une seule journée sans qu’on entende parler dans les médias de pénurie de main-d’œuvre.

À en croire certains commentateurs, le manque de travailleurs et de travailleuses dans le camionnage, dans le commerce de détail, dans les résidences pour personnes âgées, dans l’agriculture, notamment, menace les fondements de notre société.

Ces commentateurs omettent de dire que ce manque de travailleurs prend essentiellement sa source dans les conditions de travail navrantes qu’on retrouve dans plusieurs industries.

HORAIRES IMPRÉVISIBLES
Dans le camionnage, il n’est pas rare que nos routiers doivent travailler 60-70 heures par semaine pour un salaire avoisinant 50 000 $ par année. Outre le stress causé par les heures de conduite sur des routes bouchonnées ou en perpétuelle réparation, les délais de livraison déraisonnables exigés par les donneurs d’ouvrage et les conditions climatiques, les routiers rentrent souvent tard à la maison.

Par conséquent, ils dorment peu et doivent trop souvent s’accommoder d’horaires imprévisibles. En réaction à ces conditions déplorables, les jeunes travailleurs hésitent à faire carrière dans le camionnage et les plus vieux en sortent avant même d’être en âge de prendre leur retraite.

LES « PORTES TOURNANTES »
Du côté des résidences pour aînés, on remarque depuis plusieurs années qu’à part un noyau dur de travailleuses (parce que ce sont essentiellement des femmes qui occupent ces emplois), le phénomène des « portes tournantes » devient de plus en plus apparent dans plusieurs établissements.

Les raisons sont nombreuses : on n’y travaille pas toujours à temps plein, les salaires sont inférieurs de 4 à 6 $ l’heure à ce qui est payé dans le secteur public, et les besoins des aînés sont de plus en plus nombreux. Pas étonnant que les préposés aux bénéficiaires et les autres salariés de l’industrie rentrent à la maison épuisés, le soir venu, ou se cherchent des emplois ailleurs.

Pourtant, en embauchant un peu plus de main-d’œuvre pour répartir le travail équitablement, en payant des salaires raisonnables et en offrant des conditions générales décentes, les patrons de ces entreprises n’auraient plus à faire face à cette soi-disant pénurie de main-d’œuvre.

De plus, la valeur qu’on accorde à certains métiers contribue au problème.

Si nos camionneurs assurent la livraison de tous les biens qu’on retrouve à la maison et que les salariés dans les résidences pour aînés prennent soin avec dévouement de nos parents et de nos grands-parents, pourquoi sont-ils trop souvent traités comme des travailleurs de seconde zone ?

Bref, y a-t-il réellement une pénurie de main-d’œuvre dans certaines industries ou un manque de volonté de traiter équitablement les travailleurs et les travailleuses ? Il faudra bien, un jour ou l’autre, répondre à cette question avec franchise.

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