Il y a quelques semaines à peine, le gouvernement de la CAQ a déposé le projet de loi 3, une réforme qui s’attaque directement aux syndicats et, plus largement, au droit des travailleurs et des travailleuses de se faire représenter. Présenté discrètement, mais avec des conséquences majeures, ce projet vise à affaiblir la voix syndicale en créant davantage d’obstacles, d’incertitude et de pouvoir discrétionnaire pour l’État. Pour un gouvernement qui prétend défendre la classe moyenne, c’est un geste difficile à comprendre.
Pour bien saisir l’enjeu, il faut revenir à la naissance même du mouvement syndical. Les syndicats sont apparus à une époque où les travailleurs et les travailleuses n’avaient aucun pouvoir individuel. Les salaires étaient bas, les heures interminables, les conditions dangereuses et aucune protection n’existait. Les abus étaient fréquents. La seule solution pour espérer améliorer son sort était de se regrouper. C’est ainsi que sont nées les premières organisations syndicales, souvent dans l’illégalité et parfois dans la clandestinité.
Avec le temps, ces organisations ont obtenu des victoires essentielles. Les congés payés, les semaines de travail raisonnables, la sécurité au travail, les protections sociales et les régimes de retraite ont été arrachés grâce à la solidarité et aux luttes acharnées des travailleurs et des travailleuses. Rien n’a été donné gratuitement. Tout a été gagné parce qu’on a su parler d’une seule voix.
On oublie aussi trop souvent que si les syndicats sont fortement réglementés et constamment scrutés, ce n’est pas le cas de tout le monde. La droite économique, elle, est parfaitement organisée depuis longtemps. Conseils du patronat, instituts économiques, think tanks et groupes de pression bien financés exercent une influence politique quotidienne, sans être soumis aux mêmes obligations de transparence, de reddition de comptes ou de règles strictes que les organisations syndicales. Pourtant, les syndicats demeurent le principal contrepoids, le seul véritable lobby du monde du travail. Affaiblir les syndicats, c’est laisser le terrain libre à des intérêts privés qui, eux, ne rencontrent aucune difficulté à faire entendre leur voix.
Mais l’histoire nous l’enseigne. Chaque fois que la vigilance baisse, certains cherchent à reprendre ce qui a été acquis. Le projet de loi 3 s’inscrit dans cette logique. En affaiblissant les syndicats, on affaiblit la capacité des travailleurs et des travailleuses de se défendre, de négocier et de faire respecter leurs droits. On déséquilibre un rapport de force pourtant essentiel à des milieux de travail sains et stables.
Le rôle d’un syndicat est précisément d’assurer que personne ne se retrouve seule devant le pouvoir économique. C’est de s’assurer que les conditions négociées sont respectées, que la dignité est protégée et que chacun et chacune peut travailler sans crainte de représailles. En attaquant les syndicats, c’est la stabilité des milieux de travail et, ultimement, celle de l’économie que l’on fragilise.
Le projet de loi 3 n’est donc pas une simple réforme technique. Il marque un recul dangereux qui risque d’ouvrir la voie à d’autres attaques du même type. Et c’est précisément pour cette raison qu’il faut réagir maintenant.
Aujourd’hui plus que jamais, il est essentiel de faire front commun. Les travailleurs et les travailleuses doivent rester unis. Les sections locales doivent collaborer étroitement. Et tous ceux et celles qui croient en la justice sociale doivent s’opposer fermement à ce projet de loi et aux dangers qu’il représente.
Pour protéger nos droits, notre dignité et nos acquis, nous devons nous tenir debout. Ensemble, nous pouvons faire reculer ce projet. Ensemble, nous pouvons rappeler que la solidarité est notre meilleure défense.
Denis Ouellette
Président de la Section locale 106 du Syndicat des Teamsters



