En 2008, Aline Lachapelle prend sa retraite et quitte la présidence de la section locale 1998, aujourd’hui fusionnée à la section locale 106 du Syndicat des Teamsters.  Celle qui a travaillé pendant plus de 31 ans comme opératrice de machines à coudre pour l’entreprise Peerless Clothing aura veillé, durant toutes ces années, au respect des droits de plusieurs centaines de travailleuses immigrantes parfois fraîchement arrivées au Québec.

Hommage

Déjà vers la fin des années 1970, lorsque Aline commence à travailler chez Peerless, les quelque 2 000 travailleuses et travailleurs de l’usine sont majoritairement des personnes immigrantes.  À son départ, près de 40 ans plus tard, le portrait a peu changé et la main-d’œuvre provient de plus d’une quarantaine de pays.  Malheureusement, la plupart des travailleuses ne connaissent ni leurs droits, ni souvent même le français lorsqu’elles posent le pied en sol canadien.  À peine arrivées, celles qui ont la chance de trouver un emploi commencent à travailler sans tarder.  Pour ces femmes et leur famille, c’est une question de survie.

Face à ce constat, Aline décide de s’impliquer dans son syndicat.  Elle souhaite représenter les travailleuses de son milieu de travail, mais pour ce faire, elle doit pouvoir entrer en contact avec elles.  À ce moment, le comité exécutif de sa section locale, dont Aline est devenue présidente, est composé de 17 personnes parlant peu ou pas du tout le français.  On imagine alors la complexité des communications entre les membres du comité et leur présidente, d’autant plus que cette dernière ne parle pas l’anglais!

Germe alors l’idée d’organiser des cours de français pour les membres du comité exécutif.  Très vite, les demandes abondent.  Aline propose à son employeur un premier programme de francisation, les cours étant offerts à tous les travailleuses et travailleurs de Peerless désirant apprendre la langue de leur terre d’accueil.  Les premières sessions de formation ont lieu durant la pause du midi, à raison de trois jours par semaine.

L’apprentissage de la langue française s’avère très tôt un véritable outil d’émancipation pour ces femmes, tant dans leur vie au travail, que dans leur vie familiale.  Ayant accès au contenu de leur convention collective, elles comprennent dorénavant mieux la portée de leurs droits.  En matière de santé et de sécurité, les progrès sont majeurs.  Craignant à tout moment d’être congédiées, les couturières acceptaient trop souvent, parfois même au péril de leur santé, n’importe quelle condition de travail.  Elles sont désormais libérées de cette inquiétude.  Le français est devenu une voie de passage indispensable à leur intégration à la société québécoise.

Aline devient l’instigatrice de la mise sur pied d’un grand réseau de déléguées et délégués syndicaux.  Composé d’une trentaine personnes représentant presque toutes « les langues », ce réseau permet au syndicat d’accueillir plus facilement chaque personne nouvellement membre et de garder contact avec elle.  La vie syndicale s’organise et devient tantôt l’occasion de nouer des liens d’amitié solides, tantôt celle d’y trouver le réconfort, et même une deuxième famille.

Au cours de sa vie syndicale, Aline siège au Comité de francisation de la FTQ et du Caucus des femmes Teamsters.  Elle permet non seulement à des centaines de travailleuses d’apprendre la langue française, mais elle leur ouvre aussi les portes d’un tout nouveau monde.  Aujourd’hui, peu de sections locales peuvent se vanter d’avoir une aussi belle diversité au sein de leur effectif.  C’est un bel héritage qu’Aline laisse à toutes ces femmes et ces hommes venus d’ailleurs.

C’est donc avec un immense plaisir que Ginette Longpré, permanente syndicale au Local 106, a accompagné Aline à la soirée organisée conjointement par le Comité de conditions de vie et de travail des femmes du Conseil régional FTQ du Montréal Métropolitain et le Service de la condition féminine de la FTQ en octobre 2015, dans le cadre de la semaine de la relève syndicale pour une plus grande implication des femmes dans les syndicats.  Au cours de cette soirée, Aline, qui faisait partie des 23 femmes choisies pour recevoir un hommage, a donc été elle aussi honorée pour son rôle de pionnière et militante inspirante issue d’un syndicat affilié à la FTQ.   Bravo Aline et surtout…MERCI.