Réplique à la lettre de madame Hélène Gravel, présidente de l’Association des entreprises privées de personnel soignant du Québec (AEPPSQ).
Mettons une chose au clair : l’AEPPSQ est un organisme patronal qui représente les intérêts des agences de placement de personnel dans les établissements de santé. Par conséquent, il serait naïf de croire que ce regroupement d’employeurs admettrait ses torts.
Cela dit, la réponse de Mme Gravel semble démontrer qu’elle a été piquée au vif par le texte de François Allard sur les agences de placement dans le réseau de la santé. Je me permets donc de répondre aux points importants soulevés par la présidente de cette association.
Je tiens à confirmer que le personnel d’agence, qui se déplaçait au début de la pandémie d’un établissement de soins privé pour aîné·es à un autre, était effectivement un vecteur potentiel de COVID-19. Ne pas reconnaître qu’un préposé aux bénéficiaires qui passe dans trois CHSLD dans une seule semaine représente un danger accru de transmettre la COVID-19 qu’un salarié qui travaille dans un seul établissement relève de la pensée magique.
De fait, les médias ont rapporté que le gouvernement du Québec a mis en place un processus pour mieux encadrer le personnel d’agence afin de prévenir la propagation du coronavirus. Des journalistes ont aussi rapporté que les agences facturaient jusque’à 150 $/h pour des infirmières alors qu’elles gagnent en moyenne 40$/h lorsqu’elles sont salariées. Selon nos sources, on facturerait près de 200 $/h pour une infirmière-chef provenant d’une agence qui, dans les faits, passe la plupart du temps sa journée derrière un bureau, sans prêter main-forte à son équipe, faute de connaître les protocoles en place et ses résident·es.
Ces 200$/h auraient été nettement plus utiles s’ils avaient servi à embaucher une dizaine de préposé·es aux bénéficiaires ou cinq infirmières, par exemple. Cela aurait permis à nos membres de souffler un peu dans un contexte pandémique très difficile et aux aîné·es d’obtenir des services de meilleure qualité.
On comprend donc ici qu’en plus d’être un vecteur potentiel du coronavirus, le personnel des agences de placement tire les conditions des travailleur·euses vers le bas. Cette triste réalité fait en sorte que les salarié·es des CHSLD privés perdent en moyenne un à deux travailleur·euses par semaine au profit des agences ou du secteur public, là où les salaires sont plus élevés.
Au final, je remarque que les travailleur·euses d’agence créés de la détresse auprès de certaines personnes âgées. Pas besoin de chercher de midi à quatorze heures des études savantes pour savoir que la stabilité du personnel est d’une importance capitale pour assurer le bien-être de nos aînés en perte d’autonomie cognitive, notamment. L’apparition de nouveaux visages chaque semaine effraie nos aîné·es.
Et cette situation est vécue partout au Canada où les agences de placement de personnel sont présentes.
Non, madame Gravel: votre regroupement n’est pas l’antidote à la pandémie et vous ne faites pas partie de la solution pour surmonter l’épreuve contre laquelle nous luttons collectivement.
C’est pour cela que le syndicat des Teamsters réclame depuis plusieurs années un décret du gouvernement du Québec. Ce décret permettrait de mettre en place des ratios travailleur/patients humains, de rééquilibrer les conditions salariales et normatives des travailleur·euses du privé et du public et, espérons, de contribuer à faire disparaître une fois pour toutes ces abominations que sont les agences de personnel.
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François Laporte
Président de Teamsters Canada
Vice-président de la Fraternité internationale des Teamsters