Chantal Cardinal est infirmière auxiliaire et syndicaliste à la Section locale 106 des Teamsters

De plus en plus de gens estiment que la solution universelle aux enjeux auxquels nos aînés, ainsi que les salarié·es, font face dans le réseau d’hébergement privé est le déploiement d’une politique plus complète de soins à domicile.

Bien qu’il s’agit d’une bonne idée, on aurait tort de croire que cette solution est le remède universel qui guérira les enjeux graves qui minent le secteur d’hébergement privé pour aînés. En fait, il s’agit d’une mesure parmi tant d’autres et probablement pas la plus importante.

Il faut comprendre que les CHSLD, qu’ils soient publics ou privés, sont à la fin du continuum de soins (et de vie) d’une personne âgée. En clair, lorsqu’un aîné entre dans un tel établissement, il y a fort à parier qu’elle y fera malheureusement son dernier tour de piste.

Ainsi, je remarque depuis dix ans environ que ces établissements accueillent des cas de plus en plus lourds. Les observateurs de ce secteur d’activité et les expert·es savent qu’il s’agit d’une résultante directe du vieillissement de la population.

On se retrouve donc avec bien plus en plus de patients en perte cognitive modérée à sévère, voire même en démence totale dans les établissements. Cette augmentation est doublée de d’autres cas, où des handicaps ou des limitations physiques empoisonnent la vie de plus en plus de patients. Ces cas lourds peuvent être difficilement maintenus à la maison, notamment pour des raisons de qualité de soins, de logistique, ou pour des motifs économiques.

Les études démographiques indiquent que dans les 10 à 20 prochaines années nous serons nombreux à vivre plus longtemps. Toutefois, il serait déraisonnable de ne pas reconnaître que nous risquons tous et toutes, tôt ou tard, par avoir besoin de soins de plus en plus importants offerts par une équipe multidisciplinaire oeuvrant dans un établissement spécialisé.

De plus, en situation de pandémie les préposés aux bénéficiaires et les infirmières qui oeuvrent à domicile sont plus susceptibles d’être des vecteurs de maladies qu’une équipe stable qui travaille dans un seul établissement. Dans de telles circonstances, les soins à domicile mettront en danger les patients et les patientes vulnérables.

Pourtant, des solutions efficaces et pas démesurément dispendieuses existent pour améliorer la qualité des soins. Elles sont connues documentées et efficaces par bon nombre d’entre nous. 

Premièrement : pour avoir suffisamment de personnel soignant autour de nos aînés, il faut leur donner le temps de prendre le temps auprès des patients et patientes. Ce ratio patients/travailleur doit être revu afin de favoriser une dimension humaine aux soins.

Deuxièmement : pour avoir plus de personnel, il faut valoriser la profession en mettant en place un décret qui freinerait la pénurie de main-d’oeuvre créée par des conditions de travail insuffisantes et des ratios inhumains. Un décret est un règlement adopté par le gouvernement qui permet de protéger les employeurs contre la concurrence déloyale tout en améliorant notablement les conditions des travailleurs et travailleuses syndiqué·es et non syndiqué·es. Ainsi, les salarié·es du privé (qui peuvent gagner jusque’à 10 $/h de moins que ceux du public pour un travail équivalent ou similaire) seraient enfin traités équitablement.

Troisièmement : un autre élément qui favoriserait l’embauche et la rétention des travailleurs et travailleuses du privé est l’abolition des agences de personnel en soin. Ces organisations contribuent à l’exode des salarié·es du privé et, selon des reportages parus pendant la pandémie, auraient accéléré la propagation de la COVID-19 dans certains établissements.

Enfin, il est nécessaire que le gouvernement encadre la marchandisation du secteur privé d’hébergement pour aînés afin d’assurer une qualité optimale des soins et des conditions de travail décentes. On ne parle pas d’une nationalisation ici puisque les besoins seront tellement grands au cours des prochaines décennies que le gouvernement ne pourra y répondre seul avec des établissements publics.

Parce qu’on aime nos aînés, je crois qu’il faut prendre les décisions qui s’imposent pour mettre en valeur le travail de celles et ceux qui en prennent soin.

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En réponse à l’éditorial de Stéphanie Grammond sur les soins à domicile, publié le 25 juillet…